Πέμπτη 11 Ιουνίου 2020

« Je suis sorti des soins intensifs !»



Un prêtre orthodoxe, atteint de coronavirus, raconte son aventure.
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Père Athanasios Karatzogiannis, Théologue M.Sc, est prêtre a l'église Orthodoxe "Saint Dimitrios" de Maasmechelen, en Belgique. Pendant la période du Carême, il a été infecté par le virus Covid-19, et hospitalisé.

Le 28 Mars, un samedi matin, apparurent les premiers nuages qui prédiraient la tempête qui rentrait brusquement, et de façon inattendue, dans ma vie.

Tout a commencé avec une maladie simple, comme une grippe commune, mais qui s’est rapidement évoluée en quelque chose d’inconnu que nous ne voulions même pas considérer comme une possibilité.

La fièvre et la toux intensive nous ont doucement soumis l’idée que le scenario le plus horrible envahissait notre maison, causant des problèmes dans notre vie.

Le résultat positif au coronavirus a confirmé ce que nous savions déjà. Après ça, tout s’est déroulé très rapidement : l’ambulance arriva et, en tout me mettant sous oxygène, m’a emmené à l’hôpital.

Là-bas il y avait déjà beaucoup de cas pareils ou pire que le mien : des vieux bien-aimés, des femmes d’âge moyen qui étaient autrefois pleines de vitalité et de créativité, mais aussi de jeunes personnes. Je les rejoints. Un prêtre orthodoxe grec parmi des dizaines de personnes qui ont comme moi la soif de la vie, qui se battent comme moi pour vivre, qui sont comme moi aimés par notre Dieu.

On me place bientôt dans une chambre avec une infrastructure extrêmement luxe. Je pense qu’il s’agit de la seule fois que j’ai réalisé les conforts de l’hôpital. Dans les moments difficiles, on s’intéresse pas autant à l’emballage de la douleur.

À ce moment-là toutes les interrogations existentielles émergent et ton corps nu se bat pour trouver les réponses. Ce sont là des moments où on se décompose dans le cœur en répétant la phrase «Pourquoi moi ?» pour que la réponse «Pourquoi pas moi ?» surgisse de soi-même aussitôt après. Beaucoup de docteurs et d’infirmiers de différentes spécialisations se placent à ma disposition, reflétant un sentiment à la fois d’autorité et d’affection. Examens, testes et radiographie ont lieu.

Une guerre vient de commencer, une guerre contre le temps, le virus, les effets secondaires. Les antibiotiques et les paracétamols rentrent doucement dans mes veines grâce la perfusion, prenant aussi place dans la guerre contre le virus.

En même temps, les nouvelles se propagent rapidement. Mes paroissiens sont choqués, mais ils prient avec espoir. Certaines personnes vont même prier juste devant l’église fermée.

Notre Métropolite Mgr Athenagoras téléphone chaque jour à la maison pour prendre de mes nouvelles. Au monastère de la Nativité de la Mère de Dieu à Asten se déroule la supplication devant la relique de Saint Nicéphore le lépreux.

Un Métropolite en Grèce, qui était un ancien camarade de classe et un très bon ami, publie la nouvelle sur internet pour former immédiatement une chaine de prière : des moines, des prêtres, des archevêques, des églises, des monastères, au Mont Athos et à Jérusalem unissent leurs prières. Ma famille m’informe de tout cela, je suis ému, je prends du courage et je continue à me battre.

Le docteur angoissé remarque que le taux d’oxygène diminue drastiquement. Il décide donc de me déplacer aux soins intensifs. Le virus attaque maintenant les deux poumons. Ma fièvre arrive à 40 degrés Celsius et les antipyrétiques ne parviennent pas à le faire baisser.

Dans ces moments difficiles, un très bon ami à moi m’appelle au téléphone. Il me soutient avec les paroles d’un moine béni du Mont Athos. «Dis-lui de ne pas avoir peur, tout va bien se passer. La Sainte Vierge (Panayia) l’aime et elle va le guérir. Il est tombé malade pour que le miracle se passe et que les Belges croient. Dis-lui aussi de raconter son histoire quand il guérira».

On me place sous les soins intensifs. Je regarde autour de moi. Des machines se trouvent derrière moi, une infinité de bouton, des compteurs, des indications, reliées à des ordinateurs de haute technologie. En face de moi se trouve une grande horloge noire avec des chiffres en rouges. Rien d’autre. Ceci sera le monde pour moi pendant ce temps ou je serai ici. Pourvu que je sorte ! J’essaye de fermer mes yeux, mais je n’y arrive pas. Tout mon corps est plein de tubes et d’aiguilles. J’essaye de bouger mais mon corps n’obéit pas. J’ai des difficultés à respirer. A chacune de mes respirations je sens comme si une infinité de lames percent mon corps. Mon appareil respiratoire réalise des mouvements verticaux pour me garder en vie.

Je n’ai aucun contact visuel avec le monde extérieur. Je voudrais beaucoup avoir une porte, une fenêtre, ou même une petite fente au mur, pour voir le ciel bleu ou un petit nuage. Ou peut-être la lumière du coucher du soleil. Même une tempête, pourvu que je voie quelque chose.

Je regarde l’horloge en face de moi. Il est 00h15. « Il est minuit », je me dis dans ma tête. J’attends que les minutes passent. 00h16, 00h17. C’est le seul changement que je peux apercevoir. Impatiemment j’attends que l’indication de 00h... passe à 01h... Et on recommence de nouveau avec les minutes. 01h01, 01h02. Le « supplice de la goutte d’eau ».

La pneumologue apparait à la porte. Elle se pose près de moi et essaye de me réconforter. Elle me dit « Aujourd’hui c’est votre anniversaire », et elle me demande mon pays d’origine.

«Grec ? Prêtre Orthodoxe ?». Elle est vraiment surprise. Elle part tout de suite en courant et, a son retour, elle tient une orange. Elle l’épluche soigneusement et la met, morceau par morceau, dans ma bouche jusqu’à la fin. Je n’ai jamais mangé une orange aussi délicieuse de ma vie. Jusqu’à cela, la seule chose qu’il m’était permis de mettre dans ma bouche était une solution très amère.

Je ne sais pas si elle est blonde ou brune, jeune ou d’âge moyen. Je sais juste que c’est un ange, qui sort du cadre des devoirs typiques et qui essaye de me faire sentir mieux, de n’importe quelle façon. Son regard est remplie d’affection, de tendresse et de respect envers moi.

Elle se lève pour partir et couvre soigneusement mes pieds avec le drap spécial que l’on trouve aux lits des soins intensifs.

Après peu de temps, une infirmière vient à moi. Je ne la connais pas. Je n’arrive pas à distinguer la différence entre tous ceux qui y travaillent. Avec leur combinaison « astronautique », les lunettes de sécurité, les gants, les masques… Tout le monde ressemble à tout le monde. Elle est venue pour me faire une prise de sang. On m’en fait une, quatre fois par jour. « Vous êtes donc prêtre ?», elle me demande avec un air intéressé. La nouvelle a tourné. Je n’ai pas le courage d’aborder une conversation. Je lui réponds plus avec des mouvements qu’avec des paroles. Le taux d’oxygène dans mon sang n’est toujours pas assez. Je me désespère. Mais au même moment je me relève, donnant espoir à moi-même : «La Sainte Mère de Dieu sait bien».

Les heures passent très lentement. Les docteurs rentrent dans la chambre, avec leurs papiers, leurs notes, leurs angoisses, leur espoir. On m’annonce que le taux d’oxygène a atteint une stabilité. Cela reste ainsi le lendemain et le jour d’après.

On est le Samedi de la Résurrection de Saint Lazare. Seigneur je suis ici ! Avec un poids sur mon torse. Je sens comme si un rocher est en train de me détruire. Et j’attends ta voix dire «Enlevez la pierre» (Paroles de Jésus avant la Résurrection de Saint Lazare). Je suis sûr que ça va passer. Juste je ne sais quand. «Je crois, Ô Seigneur, aide mon incrédulité».

Tu ne m’as pas laissé attendre plus d’une journée. J’ai finalement entendu cette phrase «Enlevez la pierre» de la bouche du docteur. Il a dit : «C’est incroyable ! Le taux d’oxygène a fait une grande montée». C’est Ta voix que j’ai entendue à ce moment-là et j’ai été témoin de ma propre résurrection. Tout le monde s’apprêtait à la prochaine phase probable : L’intubation. Et tu les as contredits d’une telle manière. On me tient au courant que quelqu’un me cherche au téléphone des soins intensifs, destiné uniquement aux patients. Normalement cela serait impossible car les patients ne peuvent avoir aucun contact avec le monde extérieur. Mais à cause de la particularité de la situation avec le Coronavirus, nous avions la possibilité de communiquer une fois par jour avec la famille en appel vidéo. Surpris, j’entends notre docteur familial à l’appareil, qui est informé de ma situation grâce a une plateforme en ligne. 
- Père, je suppose que tu sais ce que mon prénom signifie, non ?

Je réponds : «Bonne annonce», a mon cher docteur Evangelos et j’attends sa réponse.

- Exactement mon Père ! Ton aventure termine bientôt. Les dernières analyses sanguines et analyses radio montrent une montée importante du taux d’oxygène et un recul de la pneumonie. Père, peux-tu me dire ce que tu as fait ?

À ce moment précis j’ai senti comme si une grande fente s’est apparue au plafond, et qu’une lumière chaude vint éclaircir la chambre sombre et froide. Le soutien que je reçois par les machines se réduit petit à petit et mon taux d’oxygène augmente.

Le matin du Vendredi Saint, je reçois l’appel de la Presvytera (ma femme) au téléphone et elle me donne du courage en me transmettant tous les souhaits de mes paroissiens pour une «Bonne Résurrection». Ce sont la Presvytera et mon fils les vrais héros cachés dans cette histoire.

Tout ce temps ils ont laissé leurs soucis de côté pour faire face à cette situation.

Ils tiennent au courant les paroissiens avec les dernières nouvelles, ils communiquent avec la famille et nos amis anxieux en Grèce, ils soulagent ma mère qui, en ignorant ma maladie, demande passionnément : «Mais où est-il donc père Athanasios ? Pourquoi n’a-t-il donc pas téléphoné ? »

Deux infirmières rentrent dans ma chambre. «Père, les soins intensifs sont finis pour vous maintenant ! On va vous emmener dans une chambre d’hospitalisation». Elles s’adressent à moi comme si j’étais un membre de leurs familles. Pour cette bonne nouvelle, elles me servent une orange et une poire, provenant directement de leur gouter. Je n’ai jamais reçu un tel cadeau de toute ma vie, un vrai cadeau. Je suis ému.

Le monde a l’air splendide maintenant à travers les fenêtres de ma chambre. Je ne croirais pas dire une telle chose un jour. Mais quand tu vois la mort en face, même une petite chambre monotone de l’hôpital prend d’autres dimensions. Le ciel est muni d’une splendide couleur bleu clair. Le peu de nuages joue à cache-cache avec le soleil. L’image est magnifique. Des dizaines d’oiseaux déchirent le vent. Mes oreilles n’entendent pas, mais mon cœur comprend la mélodie de leur chant. Mon Dieu, qu’elle est belle ta création.

Je constate que les muscles de mes mains et de mes pieds ont rétrécis. Je dois faire des exercices quotidiennement maintenant avec des physiothérapeutes. Je suis content. La Presvytera me raconte un fait inhabituel qui s’est passé hier, chez une famille de ma paroisse.

C’est l’après- midi et le couple regarde la messe sur internet. Soudainement, ils entendent un chant d’oiseau a travers la fenêtre semi ouverte, chantant une mélodie joyeuse, avec un message d’espoir, étrange, provenant des cieux. Ils n’avaient jamais entendu un tel chant. «Quel est ce bon message que Dieu veut nous envoyer cette semaine sainte ?». Le soir Presvytera les informe que leur prêtre est bel et bien sorti des soins intensifs. Ainsi leur joie monte aux cieux.

C’est la Pâque. Une Pâque différente des autres. Je sais qu’aucune chose que l’on ferait normalement cette année n’allait se passer. Je sais que c’est une Pâque pauvre en symbolisme extérieur, mais riche en expérience pascale. Je sais que je ne vais ni entendre ni chanter (J’arrive à peine à chuchoter, tellement je suis faible) le chant «Le Christ est ressuscité». Je ne me plains pas. J’attends. Je ne sais pas exactement quoi. Mais J’attends.

Mon téléphone sonne. «Le Christ est ressuscite des morts, par la mort il a vaincu la mort … ». Des belles voix angéliques chantent en direct pour moi ! Ce sont les bonnes sœurs du Monastère du Repentir, ma sœur. Mes larmes ne me permettent pas de lui parler.

Le téléphone résonne après un bout de temps. C’est mon ami bien aimé, avec lequel nous avons fait de la musique ensemble pendant des années. Il me met une mélodie que je reconnais à l’appareil, en même temps assez originale : il a orchestré, à l’aide d’un ami commun, une mélodie que j’avais composé. Il me la fait écouter comme un cadeau pour Pâques. Les larmes me reprennent. Je n’arrive plus à parler.

Les jours passent. Mon corps se remet petit à petit. On est le Vendredi de la Source Vivifiante, un jour très important pour moi : c’est le jour de mon anniversaire en tant que prêtre. J’apprends que demain, samedi 25 avril, je rentrerai chez moi.

Ma joie est modérée lorsqu’on me dit que je ne pourrai pas voir ma famille de près, je ne pourrai pas les embrasser et que je devrai m’isoler pour 15 jours dans ma chambre à la maison. Mais tout de suite après j’en ai eu honte, en pensant aux gens qui étaient au même étage que moi dans l’hôpital, mais qui ne sont jamais rentrés chez eux. Certains même plus jeunes que moi. Je suis équipé d’un dispositif à oxygène, au cas ou il y ait une rechute. Maintenant enfermé dans ma chambre, je dois envoyer via internet quelques données à propos de ma santé à l’hôpital, 3 fois par jour, pour qu’ils fassent une évaluation complète de ma santé. J’ai quand même toujours besoin de l’aide et d’une certaine surveillance par des infirmières expérimentées, une infirmière belge et une turque. Ici a l’étranger, nous avons appris à bien nous entendre avec des gens de différentes nationalités et de différentes religions.

Néanmoins, dans les moments difficiles, on préfère toujours avoir près de nous quelqu’un que l’on connait, quelqu’un de proche. Comment va réagir la femme turque lorsqu’elle apprendra que je suis un prêtre orthodoxe grec ? Heureusement que la bonne intention et le professionnalisme des deux femmes ont vite effacé toutes mes hésitations. Je glorifie Dieu de me les avoir envoyées !

Il est temps qu’elles partent. Presvytera demande la somme que nous devons payer :
- Nous avons eu beaucoup de patients auparavant, des vieux, des jeunes, des vulnérables, qui ont été atteints par le virus et qui sont finalement morts. Nous avons donc décidé de ne pas vous prendre de l’argent en honneur de ces personnes.

Ma femme entend cela et n’arrive pas à y croire. On se salue émotionnellement. L’infirmière belge prend ses affaires et se dirige vers la voiture. L’infirmière turque reste derrière. Elle me regarde dans les yeux et me dit doucement.

- Je voudrais vous demander un service. Vous êtes prêtre non ? Je voudrais que vous fassiez une prière: pour moi, pour ma famille, mais aussi pour tous ceux qui sont hospitalisés et pour ceux qui sont morts.

Elle me sourit et court vers la voiture. Je veux pleurer et sourire en même temps. Je veux crier et bondir en même temps.

Où est ton aiguillon, ô mort ? 
Enfers, où est votre victoire ?
Le Christ est ressuscité et vous avez été jetés à bas.
À Lui gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

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